Étymologiquement, le mot crise vient du grec krisis, décision Collectif, (2015). 400 avant J-C à l’époque d’Hippocrate, ce terme psychologique de crise désigne l’instant crucial où la maladie touche à son terme, à sa résolution, pour le meilleur ou pour le pire.
La crise arrive comme le dernier round de l’affrontement terrible entre les forces négatives du mal et les défenses "pulsion de vie" de la personne. Devant l’urgence de la situation, l’organisme humain convoquait toute son énergie disponible pour mettre en échec le processus pathogène Bolzinger, (1982).
Plus près de nous, une signification très différente, un glissement sémantique s’est additionné à la version d’Hippocrate. Ce glissement est dû à la pensée médicale du XIXe siècle qui y a ajouté un nouveau point de vue. La crise n’est plus terminale, résolutive et salutaire ; elle est inaugurale, elle est purement réactionnelle à des événements vécus, et mentalisés comme impactants Bolzinger, (1982). Elle est sans intention de guérison, parfois elle devient même pathogène lorsqu’elle se développe sous la forme d’une compulsion de répétitions. En fait, « Tout se passe comme si nous utilisions aujourd’hui, simultanément ou alternativement, ces deux concepts que la pensée médicale a progressivement élaborés : la crise-guérison et la crise-maladie » Bolzinger, (1982 p. 476).
Les auteurs qui se sont intéressés à la notion de crise l’ont construite à partir des dispositifs de soins, le plus souvent institutionnels Despland et al., (2010). « Pour ceux-ci, la notion de crise renvoie le plus souvent à un moment de désorganisation majeur de l’équilibre psychique qui touche le patient dans ses aspects primitifs (narcissisme primaire) » Despland et al., (2010 p. 59).
Selon Despland et al., (2010) la crise peut être aussi assimilée à la répétition d’une situation ou d’un événement à valeur traumatique. A ce titre, elle rejoint le concept contemporain de la répétition pathologique inconsciente du psychiatre J.D Nasio. « La répétition pathologique est le retour compulsif d’un passé traumatique qui éclate dans le présent d’un symptôme ou d’une action impulsive » Nasio, (2012 p. 51). Ou défini autrement : « C’est une émotion infantile, violente et refoulée qui apparaît, disparaît, réapparaît et réapparaît encore quelques années plus tard, à l’âge adulte, sous la forme d’un vécu troublant dont le symptôme et le passage à l’acte sont les paradigmes » Nasio, (2012 p. 51). Cette dimension traumatique explique la difficulté de la mise en mots des conflits psychiques sous-jacents Despland et al.,( 2010). Sur le plan clinique, les patients en crise apportent sur la scène psychothérapeutique leurs conflits relationnels, conjugaux, familiaux ou professionnels.
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Selon Camus, (2008 p. 66). « Si la crise est l’expression d’une « rupture d’étayage », elle constitue également une période particulièrement propice aux réaménagements internes, aux changements ». Vu sous cet angle, le réaménagement interne peut se résumer chez nous en Europe par cet aphorisme « Ce qui ne me détruit pas me rend plus fort » Nietzsche, (2013 p. 12). Ainsi, dans cette perspective, l’individu en crise pourrait accueillir l’adversité conjoncturelle comme autant d’opportunités d’imaginer d’autres alternatives positives. L’individu pourrait exploiter sa capacité résiliente pour surmonter la crise et effectuer des changements salvateurs Despland et al., (2010).
La crise psychique avec tous les signifiants qui la composent n’a pas toujours une fin heureuse d’opportunité de changement aussi idyllique que l’on voudrait bien le croire. Pour une partie des individus, dans certaines situations dans lesquelles plusieurs facteurs de risque sont concomitants, la crise peut avoir de graves conséquences si elle n’est pas identifiée et prise en charge au niveau psychologique, nous parlons là de la crise suicidaire. « Cette crise suicidaire survient à un moment particulier de sa vie où la personne est plus vulnérable et où ses ressources personnelles pour lutter contre l’adversité lui sont moins disponibles » Ionescu et al., (2008 p. 135).
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Bibliographie
Bolzinger, A. (1982). Le concept clinique de crise(Bulletin de psychologie, Vol. 35).
Camus, V. (2008). De quelques questions éthiques posées par l’intentionnalité et les conduites suicidaires, Revue d’éthique et de théologie morale (n° 248), p. 59-78.
Collectif. (2015). Dictionnaire Le Petit Robert 2016(New édition). Paris : Le Robert.
Despland, J.-N., Michel, L., et Roten, Y. (2010). Intervention psychodynamique brève. Issy-les-Moulineaux France : Elsevier Masson.
Ionescu, S., Blanchet, A., et Collectif. (2008). Psychologie clinique, psychopathologie, psychothérapie. Paris : Presses Universitaires de France - PUF.
Nasio, J.-D. (2012). L’Inconscient, c’est la répétition. Paris : Payot.
Nietzsche, F (2013). Le Crépuscule des idoles, trad. J.C.Hémery, Paris, Gallimard.